Infrastructure de formation Frontex – Briefing du groupe de recherche « Abolir Frontex », novembre 2025

Avec l’élargissement du mandat, du budget et de l’organisation de Frontex, particulièrement depuis 2015, l’infrastructure de formation de l’agence s’est également développée progressivement. Elle comprend désormais une multitude de formations, de cours, d’ateliers et d’exercices destinés au personnel de Frontex ainsi qu’aux employés des autorités frontalières des États membres de l’UE et, dans certains cas, de pays tiers en Europe ou en dehors. Bon nombre de ces activités se déroulent dans des lieux ad hoc, tels que les points de passage des frontières extérieures de l’UE (y compris les aéroports), ou en ligne.¹ Cette note d’information répertorie les lieux de formation permanents de Frontex, pour ses formations du corps permanent de garde-frontières, son réseau d’académies de partenariat et son programme de master commun.

Centre de formation pour les gardes-frontières européens à Varsovie

En juin 2025, Frontex a annoncé l’ouverture d’un nouveau centre de formation pour les gardes-frontières de son corps permanent européen de garde-frontières et de garde-côtes – une force de police des frontières armée – à Varsovie, après avoir signé un protocole d’accord avec le gouvernement polonais.² Le centre proposera le Programme de formation initiale destiné aux agents de catégorie 1 du Corps permanent de gardes-frontières employés directement par Frontex, avec la possibilité d’ajouter d’autres types de formations à l’avenir.³

Le projet initial prévoyait d’implanter le centre de formation à University of Physical Education – l’université d’éducation physique- qui, par le passé, avait déjà organisé des « tests d’aptitude physique » pour les candidats corps permanent de Frontex.⁴ Cependant, aucun accord n’a pu être conclu et Frontex a annoncé que la formation initiale du premier groupe de candidats au Corps permanent débuterait fin 2025 dans ses propres locaux situés dans la capitale polonaise Varsovie, avec des dispositions distinctes pour l’utilisation d’installations sportives. L’agence a annoncé qu’elle lancerait un appel d’offres ouvert en 2026 afin d’obtenir un emplacement permanent et à long terme à Varsovie.⁵

À l’automne 2025, Frontex a également lancé des appels d’offres concernant des formations sur les armes à feu et le recours à la force pour ses agents de catégorie 1 du corps permanent. L’une des conditions est que le lieu de formation doit se trouver à moins de 50 kilomètres du siège de Frontex à Varsovie, ce qui signifie qu’il sera également situé en Pologne.

La valeur du contrat estimé par Frontex atteint 2,3 millions d’euros pour la « fourniture d’installations (stand de tir), d’équipements et de munitions pour la formation au maniement des armes à feu » et à 0,7 million d’euros pour la « fourniture d’installations et d’équipements pour la formation aux techniques de contrainte » pour une durée de deux ans, avec une option de prolongation une fois pour deux années supplémentaires. En novembre, Frontex a annoncé que les deux procédures d’appel d’offres initiales avaient pris fin sans qu’aucune offre appropriée n’ait été reçue.⁶

Formation du corps permanent

Selon Frontex, « la formation des membres du corps permanent de garde-frontières et garde-côtes européens sera dispensée en totalité ou en partie pendant la période d’essai. La formation vise à garantir que les membres du corps permanent disposent des compétences théoriques et pratiques nécessaires, notamment en matière de prévention de la violence et de recours à la force, pour opérer de manière uniforme dans dans n’importe quelle zone d’opération particulière, en appliquant intégralement les dispositions du code frontières Schengen, (Schengen Borders Code) tout en respectant les droits fondamentaux au cours de toutes leurs actions. » Les formations sont dispensées en anglais, sans aucune interprétation fournie.⁷

Jusqu’à présent, les programmes de formation de base de six mois pour le Corps permanent ont régulièrement eu lieu dans les pays suivants :

• Espagne : Division nationale de formation et d’amélioration de la police à Ávila⁸
• Portugal : centre de formation de l’Autorité portuaire maritime portugaise à Almada (Lisbonne)⁹
• Italie : Académie de la Guardia di Finanza à Bari.¹⁰

Les matériels de cours ne sont pas accessibles au public. Cependant, Statewatch a obtenu certains manuels de formation et autres supports de cours grâce à une Demande d’accès aux documents il y a environ deux ans.¹¹ Il s’agissait notamment de formations sur le contrôle aux frontières, la sécurité des frontières et les expulsions, avec une attention particulière accordée à la formation à l’utilisation d’armes à feu, de la force et de mesures coercitives. Le programme de formation (2019) destiné aux agents de catégorie 1 du Corps permanent – ceux qui sont directement employés par Frontex – se compose de « six (6) modules thématiques. Les études relatives aux
frontières terrestres, aéroportuaires et maritimes sont intégrées dans les modules suivants :

1. Études génériques ;
2. Base juridique des activités des gardes-frontières et des garde-côtes ;
3. Contrôles aux frontières et retour ;
4. Surveillance des frontières ;
5. Criminalité transfrontalière et enquêtes ;
6. Mesures tactiques et mesures de force. »¹²

En octobre 2025, Frontex a annoncé une future procédure contractuelle pour la « fourniture de services de conseils spécialisés afin de soutenir la mise en œuvre d’activités de formation pour instructeurs au tir aux armes à feu ».¹³

Académies de partenariat

Depuis sa création en 2005, Frontex travaille avec des « académies partenaires » dans toute l’UE, « soutiennent Frontex en accueillant des réunions et des activités de formation et en favorisant le partage d’expertise dans le cadre de projets d’éducation et de formation ».¹⁴

Selon l’agence, « l’objectif principal des académies partenaires est de faciliter la coopération avec les établissements de formation des garde-frontières et des garde-côtes dans l’Union européenne, de créer des normes éducatives communes et de moderniser les systèmes d’éducation et de formation dans le domaine de la surveillance des frontières et des côtes. Frontex organisera également des activités de formation préparant les gardes-frontières à être déployés dans le cadre des opérations conjointes de Frontex (Frontex Joint Operations». En outre, elle a lancé des programmes d’échange entre les établissements participants.¹⁵

Frontex Partnership Academies (April 2021)

Austria Vienna SAIK – Federal Police Academy (Sicherheitsakademie)
Belgium Brussels National Police Academy of Belgium
Bulgaria Sofia Academy of Ministry of the Interior of Bulgaria
Croatia Zagreb Police Academy, General Police Directorate, Ministry of the Interior
Cyprus Nicosia Cyprus Police Academy
Czech Rep. Prague Police Education and Training Unit, Police of the Czech Republic
Denmark Brøndby Danish National Police Academy
Estonia Tallinn Estonian Academy of Security Sciences Tallinn Tallinn University of Technology Estonian Maritime Academy [TalTech]
Finland Imatra Border and Coast Guard Academy
France Lyon Ecole Nationale Supérieure de la Police (ENSP)
Germany Lübeck German Federal Police Academy Neustadt German Federal Police Maritime Education and Training Centre (MaST)
Hungary Budapest National University of Public Service Szeged Police Education and Training centre, Police Training Academy, Patrol Training Department
Italy Cesena State Police Training Centre – for the activities of Traffic Police, Railway
Police, Immigration and Border Police, Postal and Communication Police ILido di Ostia Scuola di Polizia Economico-Finanziaria, Guardia di Finanze Messina Italian Coast Guard – Centro di formazione specialistica VTMIS ed attività operative del Comando generale del Corpo delle capitaneriedi porto Rome Interagency Law-Enforcement College of Advanced Studies (Scuola di Perfezionamento per le Forze di Polizia Messina)
Latvia Rezekne State Border Guard College
Lithuania Medininkai State Border Guard Service Vilnius Mykolas Romeris University Academy of Public Security
Malta Valletta University of Malta
Netherlands Badhoevedorp Border Security Training Centre, Royal Netherlands Marechaussee Eindhoven IDcentre
Norway Oslo The Norwegian Police University College
Poland Gdynia Polish Naval Academy Lubań Border Guard Centre for Specialised Training
Portugal Barcarena Immigration and Border Service (SEF), Servico de Estrangeiros e Fronteras Lisbon Higher Institute of Police Sciences and Internal Security Queluz School of the Guard of the Portuguese Guarda Nacional Republicana
Romania Bucharest “Alexandru Ioan Cuza” Police Academy, Border Police faculty, Border Police, Immigration, Passports and Schengen Training department Bucharest General Inpectorate of Romanian Border Police
Slovakia Bratislava Academy of the Police Force in Bratislava
Slovenia Ljubljana Šmartno Police Academy
Spain Madrid General Directorate of the Police, Training and Development Division
Madrid Guardia Civil Borders and Maritime Police Command
Sweden Stockholm Swedish Police Authority

En 2010, selon le directeur exécutif de l’époque, M. Laitinen, il existait 11 académies de partenariat dans l’Union européenne, qui dispensaient des formations à tous les États membres.¹⁶

Sept ans plus tard, le réseau comptait 17 académies et prévoyait d’en créer au moins dix autres, afin de former les « gardes-frontières aux frontières terrestres, aériennes et maritimes, ainsi que les experts en matière de retour ».¹⁷ En effet, le réseau a continué à s’étendre. En avril 2021, en réponse à une demande d’accès aux documents, Frontex a fourni une liste de 38 académies partenaires dans 25 pays, soit tous les États membres de l’UE à l’exception de la Grèce et du Luxembourg, ainsi que de la Norvège.¹⁸ À la fin de 2024, le nombre d’académies partenaires était passé à 42.¹⁹

Master conjoint en gestion stratégique des frontières

En 2012, Frontex a commencé à élaborer un programme commun d’études supérieures destiné aux agents à responsabilité élevés et moyens, en coopération avec un groupe d’universités de plusieurs États membres de l’UE.²⁰ Après avoir conclu un contrat avec six établissements d’enseignement supérieur pour mettre en œuvre le programme en 2015, les premiers étudiants ont obtenu leur diplôme en juin 2017 – « un diplôme commun signé par tous les partenaires universitaires et reconnu internationalement comme un master », après un cursus de 18 mois.

Deux autres promotions ont obtenu leur diplôme au cours des deux années suivantes. Après un processus prolongé pour arriver à conclure un nouvel accord de consortium, ce n’est qu’en septembre 2025 a qu’a été annoncée une nouvelle série du programme, débutant en janvier 2026.²¹ Le consortium actuel est composé de :

• Académie de défense des Pays-Bas, Faculté des sciences militaires à Breda (Pays-Bas)
• Académie estonienne des sciences de la sécurité à Tallinn (Estonie)
• Académie des technologies de Rezekne à Rezekne (Lettonie)
• Université Mykolas Romeris à Vilnius (Lituanie)
• Université de Salamanque à Salamanque (Espagne

Selon Frontex, le master conjoint, pour lequel les étudiants doivent obtenir une habilitation de sécurité auprès d’une autorité nationale, est « conçu pour permettre aux responsables des gardes-frontières au grade élevé ou intermédiaire dans toute l’UE de faire progresser la pratique et la théorie de la gestion des frontières européennes et d’encourager de nouveaux développements dans ce domaine », en réponse à « la forte demande de normes d’enseignement plus élevées dans le secteur de la gestion des frontières ». Bien que l’agence insiste sur l’inclusion des « droits fondamentaux » dans le programme d’études, celle-ci se limite à un seul cours, qui ne représente que cinq des 90 crédits (ou 60 sans la thèse) nécessaires à l’obtention du diplôme.²² Les autres cours abordent les aspects pratiques, technologiques et stratégiques de la « gestion des frontières ».²³

Externalisation des frontières et formation

Frontex dispense également des formations et des enseignements aux autorités frontalières des pays non membres de l’UE. Cela comprend à la fois des formations et des cours qui leur sont spécifiquement destinés, ainsi que la participation de leurs employés à des cours axés sur l’UE. En 2024, par exemple, des participants venus d’Ukraine, de Moldavie, du Kosovo et de Turquie ont suivi un Cours européenne pour équipes canines.²⁴

Le réseau d’académies partenaires de Frontex s’est étendu bien au-delà de l’UE, comme indiqué par Frontex depuis 2023, avec des partenaires en Albanie, en Géorgie, au Monténégro et en Ukraine, et « est prêt à s’étendre à d’autres pays tiers intéressés ».²⁵ En octobre 2025, l’Agence pour l’éducation et de la formation professionnelle du personnel dans l’État candidat membre, la Bosnie-Herzégovine, a rejoint le réseau de partenariat.²⁶ Selon le Service européen pour l’action extérieure (EEAS), en 2022, Frontex et ses académies partenaires devraient renforcer leur rôle « dans la formation aux missions civiles de la PSDC (Plan Départemental de Secours Civil), en particulier dans le domaine de la gestion des frontières », éventuellement aussi dans des pays non membres de l’UE.²⁷

Le réseau joue également un rôle dans les efforts d’externalisation des frontières de Frontex en tant que lieu d’ateliers et de visites d’étude pour les autorités chargées de la surveillance des frontières en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (MENA)²⁸, par exemple dans le cadre de son projet EU4BorderSecurity.²⁹ Ce projet vise à renforcer les capacités en matière de sécurité des frontières dans ces régions et a reçu 6,5 millions d’euros de l’Instrument européen de voisinage.³⁰

En mars 2020, par exemple, des gardes-frontières d’Égypte, de Jordanie, du Liban et du Maroc ont effectué une visite d’étude sur le thème « dialogue et coopération » à l’Académie estonienne des sciences de la sécurité.³¹

Dans le cadre du projet EU4BorderSecurity, Frontex a également conclu un accord de coopération avec l’Université arabe Naif Université arabe des sciences de la sécurité (NAUSS), « l’organisme académique du Conseil des ministres de l’Intérieur arabes » à Riyad, où elle bénéficie d’un « soutien financier et moral illimité » de la part de la famille royale saoudienne, l’un des régimes les plus autoritaires au monde.³² La formation des forces de sécurité dans les pays arabes est un élément important du programme de l’université, et c’est là que Frontex est intervenue.

Les contacts institutionnels remontent au moins à 2020, alors que l’Arabie saoudite jouait un rôle actif dans la guerre au Yémen.³³ Depuis lors, plusieurs ateliers conjoints ont été organisés sur des questions telles que la fraude documentaire.³⁴ En mai 2023, un séminaire conjoint sur la « gestion intégrée des frontières » a été organisé à l’Académie arabe des sciences, des technologies et du soutien maritime à El Alamein (Égypte), avec des participants venus de Libye et du Soudan.³⁵

La NAUSS est étroitement liée au régime saoudien, notamment par le biais d’un accord de coopération avec la Direction générale des gardes-frontières.³⁶ En 2017, 45 femmes gardes-frontières diplômées de la NAUSS, qui devaient être déployées aux frontières saoudiennes, ont suivi une formation en Allemagne dispensée par la police fédérale allemande.³⁷

L’Arabie saoudite mène sa propre politique migratoire répressive, tuant systématiquement les réfugiés éthiopiens à sa frontière avec le Yémen.³⁸ En octobre 2022, plusieurs rapporteurs spéciaux et groupes de travail des Nations unies ont tiré la sonnette d’alarme, signalant que « les forces de sécurité saoudiennes recourent à des attaques de snipers contre les migrants en petits groupes, à des tirs de mortier ou d’obus contre les migrants en groupes plus importants et à des tirs contre les migrants capturés sur le territoire saoudien », ainsi qu’à des allégations de torture et d’abus sexuels systématiques.³⁹

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